>> [ Guerre en Irak - L’Amérique est-elle prête ? ]
“Je ne voudrais pas insister mais nous avons une capacité cent fois meilleure à opérer dans un environnement chimique et biologique que l’armée Irakienne”. Le Major-Général John Doesburg est un militaire confiant. A quelques jours d’un conflit de plus en plus inéductable, le patron du Army’s Soldier Biological and Chemical Defense Command est sur de son fait.

Au sein du Commandement militaire américain, Doesburg occupe une position d’autant plus sensible que, depuis quelques semaines, les services de renseignements américains mais aussi saoudiens insistent sur l’hypothèse d’un scénario catastrophe : piégé, Saddam Hussein donnera l’ordre à ses troupes d’utiliser leurs stocks d’armes chimiques et biologiques.
Forte de ces 15 000 soldats spécialisés dans la détection et la prévention de ce genre d’attaque, rassurée par l’adoption de nouvelles tenues de protection - les JSLIST- l’armée américaine est certainement mieux équipée que les troupes de Saddam Hussein. Mais est-elle vraiment prête ?

Depuis 1996, l’United States General Accounting Office (GAO) scrute le programme américain de défense chimique et biologique. Inquiet du manque de préparation des troupes en 1990, le GAO envoie fréquemment ses enquêteurs dans toutes les branches de l’armée américaine. Le 1octobre dernier, Raymond Decker, son directeur, présentait son rapport à un sous-comité du Congrès. Ce document, que nous avons réussi à nous procurer, dresse un état des lieux inquiétant de l’appareil de défense américain :
“ Un vrai fossé demeure entre la priorité donnée par le Département de la Défense (DOD) sur la défense chimico-biologique et la véritable implantation du programme. De nombreuses modifications nécessaires restent à réaliser. De plus, nous sommes inquiets de l’absence de volonté et d’engagement du DOD à s’engager à corriger les problèmes sur le long terme que nous avons découvert. Les membres de nos forces armées courent un risque dans un environnement contaminé”.

Pour étayer ses propos, sur 17 pages, le GAO liste les carences de l’armée américaine : “Persistance d’un entraînement déficient .. défaut de matériels adéquats dans des unités essentielles ..équipement de protection en nombre insuffisant ... Protection de mauvaise qu alité ... absence de dirigeants compétents aux postes clés de notre programme de défense biologique et chimique ..”. Mais livre aussi des statistiques effarantes : “ Une unité aérienne a seulement 25% des masques de protection nécessaire aux traitements des patients contaminés et seulement 48% des kits de décontamination obligatoire (...) Une unité des Marines Corps possède seulement 31 % des détecteurs chimiques nécessaires à se protéger d’une attaque”.

Le rapport qui, rappelons-le, ne date que de quatre mois, révèle que plus d’un tiers des soldats ne sait pas utiliser le “détecteur CBW M-8” qui est pourtant le moyen le plus simple de détecter une agression chimique.
Quant aux 15 000 spécialistes, le GAO affirme qu’ils “ n’ont pas les qualités nécessaires pour implanter des programmes de défense chimique dans leurs unités. (Et) que les soldats responsables des opérations en zone radioactive n’ont pas été entraînés à se protéger des radiations”.
Reste le programme JSLIS, en décidant d’investir plus d’un milliard de dollars, le Pentagone a démontré sa volonté de remplacer les stocks vieillissants de tenues de protection portées par les forces américaines combattant en zone contaminée. Mais voilà, alors que l’Etat Major américain affiche sa confiance en affirmant que chaque soldat sera suffisamment et bien équipé, le GAO ne partage pas cet optimisme. Et il n’est pas le seul. Notre enquête aux Etats-Unis nous a permit de se procurer un mémorandum du Sous-Comité à la Sécurité nationale du Congrès des Etats-Unis. Rédigé par Vincent Chase, son enquêteur en chef, il dévoile les dessous de JSLIST : “ Le programme est infecté par de nombreuses faiblesses des contrôles du matériel (...) Le Département de la Défense manque totalement de visibilité autour des stocks de JSLIST. (...) Des erreurs de quantité, de numéros de lots ont été rentrés dans le système central de distribution de la tenue de protection rendant impossible tout inventaire exact.(...) La méthodologie employée pour tester les tenues pourrait s’avérer inadéquate.(...) 6 kits de protection sur 5000 sont testés avant d’être fournis aux soldats alors que pour être certain à 90 % de leur efficacité il faudrait effectuer les tests sur 220.”

Le mémo de Chase est inquiétant. Christopher Shays, républicain et président du Sous-Comité, résume avec crainte la situation : “ Le Département de la Défense ne sait pas toujours combien d’équipements de défense sont disponibles, ni où ils sont et surtout quand ils arriveront aux soldats qui en ont besoin. Si nos troupes en Irak sont attaquées avec des armes chimiques et biologiques et se révèlent aussi mal équipées que dans un passé proche, l’Etat-Major devra être tenu responsable pour avoir mis nos troupes en danger ..“

En janvier dernier, dans l’incognito le plus total, le Defense Military Supply décidait de doubler son stock de sacs de transports de corps.

William Reymond

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