>> [ Général Schwarzkopf ]

Le héros est débordé. Entre un genou récalcitrant, des demandes d’interviews du monde entier et un programme de conférences à faire pâlir un président à la retraite, le Général Schwarzkopf a tout juste le temps d’assurer sa nouvelle mission. Depuis Tampa en Floride, le patron de Désert Storm est devenu expert pour la télévision. Tous les jours ou presque, il intervient sur NBC pour livrer son analyse de cette deuxième guerre contre l’Irak. Pas forcement pour y exprimer des jugements définitifs mais pour y apporter l’expérience d’un vécu. Une place à part dans l’imaginaire populaire américain qui lui garantit une liberté de ton.

Ainsi, Schwarzkopf n’a pas hésité à exprimer sa préférence pour la solution diplomatique en sachant que l’Amérique ne pourrait pas lui en tenir rigueur. Pareillement, il aborde le conflit avec la prudence qui sied aux hommes qui connaissent le prix du sacrifice ultime : “ Nous avons décidé de nous engager sur ce chemin. Maintenant j’espère que nous le faisons avec précaution”. Le manque d’optimisme de l’ancien soldat n’est pas une remise en question de la présidence de George W. Bush. Schwarzkopf s’affiche comme Républicain et en Floride a milité pour la victoire du Texan. La crainte principale du général ne réside pas à la Maison Blanche mais plutôt du côté du Pentagone : “ Certaines déclarations de Rumsfled m’ont rendu nerveux. Je crois qu’il n’accepte pas la différence”. Mais surtout, le Général supporte mal la perte de pouvoir des “uniformes” au profit des civils. Avec l’arrivée de Rumsfeld, c’est en effet le courant neo-conservateurs de la droite américaine qui a pris le pouvoir. Un mouvement qui depuis 1997 milite pour une invasion de l’Irak. Interrogé par le Washington Post, Schwarzkopf ne cachait rien de sa colère : “ C’est effrayant ! Il faut voir la vérité en face : il y a des gars au Pentagone qui ont été impliqué dans la préparation de ce genre d’opérations toute leur vie... Et penser que tout ce savoir, cette sagesse acquise au cours de nombreuses opérations, au cours de guerre, dans des écoles, est aujourd’hui ignorée en faveur de personnes qui n’ont aucune expérience, c’est inquiétant”. Aujourd’hui avec le début du conflit, le Général s’est naturellement rangé derrière les couleurs de la bannière étoilée. Mais sans mettre un mouchoir sur ses convictions : “ ce conflit doit être court, sinon cela tournera mal. Je crains particulièrement la bataille pour Bagdad.” Et en stratège qu’il est encore, il ajoute : “ un bon commandant étudie les forces et les faiblesses de son ennemi mais aussi celles de son propre camp. Puis il applique ses forces sur les faiblesses de l’ennemi”.

Concrètement cela passe par une utilisation massive d’armement de nouvelles technologies : “ Il n’y a pas de point de comparaison entre le matériel disponible aujourd’hui et en 1991. Nous devons utiliser notre supériorité tactique et stratégique dans les airs”. Bien évidemment, le bombardement massif de Bagdad dans le cadre de la stratégie “choc et stupeur” n’a pas laissé indifférent le Général qui était à ce moment-là en direct sur NBC : “C’est dix fois, cent fois plus important que ce que nous connaissons. Cela dépasse tout simplement l’imagination”.
Mais au-delà de son admiration pour la supériorité technique américaine, son souci d’une guerre courte et sa réelle compassion pour les futures victimes du conflit, Norman Schwarzkopf est semble t-il seulement agacé par cette même question qui revient sans cesse : “Pourquoi n’a-t-il pas poursuivi jusqu’à Bagdad alors que le régime de Saddam était sur le point de plier en 1991?”. En désormais grand communiquant, Schwarzkopf ne s’engouffre pas dans la tentation de livrer une analyse géopolitique sur les motivations de George H. Bush à épargner Saddam. Non, le Général se cantonne à une réponse toute prête, qu’il répète désormais quasi-quotidiennement : “ Il faut se souvenir du mandat des Nations-Unies . Il disait une chose : “ Virez l’Irak du Koweit. Point ! Il ne disait pas allez à Bagdad”.

William Reymond

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