>> [ Les coulisses de la (des) information ]
Personne ne les connaît. Pourtant ce sont eux qui depuis des mois tentent de modeler l’opinion mondiale. De la préparation à la guerre à la bataille pour Bagdad, visite dans les coulisses de la propagande.

Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, la Maison-Blanche s’est retrouvée face à une vérité stupéfiante : une partie du monde déteste les Etats-Unis. Pendant des décennies, l’Amérique a laissé s’émietter son capital de sympathie, se transformant progressivement du statut de modèle démocratique à celui de super-puissance arrogante. Afin de corriger ce phénomène, le Département d’Etat a largement investi dans la communication de masse. Mais la mission, confiée à Charlotte Beers, gourou de la publicité new-yorkaise, n’a pas obtenu le succès désiré. Et la Seguela américaine a été remerciée. Résultat ? Alors que les Etats-Unis se battent en Irak, son image globale n’a jamais été aussi mauvaise. L’échec de la stratégie de reconquête entreprise par le Département d’Etat n’est pas une mauvaise nouvelle pour tout le monde à Washington. Au sein de la Maison-Blanche, un groupe d’hommes auto-baptisé “The Band” s’est fait une spécialité de la communication de crise. Là, il ne s’agit pas de reconstruire patiemment l’image écornée de la nation mais de marteler une image unique : l’Amérique a raison contre le reste du monde qui se trompe.

Avec le conflit irakien, The Band n’est pas à sa première mission. Le groupe s’est chargé de la mise en place de l’opération américaine en Afghanistan. L’accent mis sur les talibans afin d’oublier les bombardements civils ? The band. Le recours à la peur de l’attentat dès que Bush est en difficulté ? Encore eux. Le prétendu rapprochement entre Ben Laden et Saddam Hussein ? Toujours eux.

Évidemment la préparation au conflit irakien puis désormais la guerre et le filtrage de l’information est la chasse réservée de cette machine à générer de la propagande. Un groupe informel qui organise quotidiennement une conférence téléphonique afin de fixer les objectifs du jour. Même s’il n’en détient pas officiellement le titre, Dan Bartlett, tout juste 31 ans, est le patron du groupe. Directeur de la communication de la Maison-Blanche, Bartlett est le représentant de Bush. Au près du président, il a pris la place de Karen Hughes, responsable de la campagne présidentielle de 2000 mais aussi architecte du bureau de l’information de la Maison Blanche monté en urgence après le 11 septembre dont le but à peine caché était de surfer sur la vague d’émotions post-attentats.

Tucker Eskew est un maillon essentiel du groupe. Désormais directeur du Office of Global Communications( OGC) il assure la liaison avec Londres. L’OGC est l’organisme principal de l’appareil de propagande américain. Longtemps informel, il a été crée sur ordre direct de Bush. C’est ce bureau qui a été en charge de l’ensemble de la communication y compris des fuites à la presse autour de la lutte engagée par les USA au sein du Conseil de Sécurité. Les rapports présentés tour à tour par George W. Bush et Collin Powell ont été préparés par l’OGC. De même, de nombreux arguments fournis par Tony Blair ont transité du Band via l’OGC jusque sur le bureau d’Alastair Campbell. Campbell est considéré aux Etats-Unis comme le roi du spin, cette technique utilisé dans la politique moderne pour distordre les faits au profit de son candidat. Depuis le début de l’année 2002, Campbell discute quotidiennement avec Eskew de la situation irakienne. Les termes “forces de la coalition” et “ opération de libération” seraient nés lors d’un de ces entretiens.

Afin d’assurer que sa pensée soit correctement transmiseà tous les niveaux de la hiérarchie américaine, The band a installé des relais fidèles auprès des personnages clés de l’effort de guerre US. En nommant Richard Boucher, responsable de la communication de Colin Powell, la Maison-Blanche s’est ainsi assurée que le seul représentant de la solution diplomatique au sein de l’Administration rentre dans le rang. La nomination de Tori Clarke au côté de Donald Rumsfeld a été faite dans le but contraire. Il s’agissait de modérer l’enthousiasme va-t-en guerre d’un ministre de la Défense militant depuis 1997 pour une invasion de l’Irak.
Mais la nomination la plus révélatrice de la prise en main de la guerre par l’entourage de Bush est sans aucun doute l’arrivée de Jim Wilkinson à la tête de la communication du Commandement Général. Wilkinson, un Texan proche du Président depuis la campagne de 2000 est un des créateurs du Band. Il y a deux mois encore, il travaillait à la Maison Blanche au côté de Dan Bartlett. Une de ses tâches consistait à relayer aux élus du parti Républicain des informations calibrées dans le cadre de la guerre au terrorisme. Des arguments que les politiques utilisaient ensuite pour renforcer l’image de George Bush. Sa place - discrète et loin des caméras - au côté du Général Franks est une première. Elle illustre l’étrange lien entre le pouvoir exécutif et militaire, la prise du pouvoir politique dans le cadre de la communication de l’armée.

A la périphérie de ce groupe de spécialistes de l’information, reste John Rendon. A la tête du Rendon Group, il a, durant la première guerre du Golfe, propagé une image positive de l’Amérique dans les médias du monde entier. Son fait d’arme reste la libération de Koweit City. C’est lui qui dans la nuit, avant l’arrivée des équipes de télévision, avait fourni la population de la ville en drapeaux américains. En septembre dernier, le Pentagone signait un nouveau contrat avec le Rendon Group sans en préciser publiquement la mission. Mais le secret ne devrait plus tenir longtemps. Il devrait même être bientôt sur nos écrans de télé.

William Reymond

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