>> [ Saddam, la cible ]

La guerre a débuté d’une manière surprenante. Au bombardement massif, les “forces de la coalition” ont préféré frapper des “cibles d’opportunité”. En tentant, dès les premières heures du conflit, de “décapiter” le pouvoir irakien, les Etats-Unis ont clairement affiché leur intention : tuer Saddam. Un projet, comme notre enquête le prouve, pour lequel les Américains se préparent depuis longtemps.

“ Il ne fait aucun doute que Saddam ne nous supporte pas. Après tout, c’est le gars qui, une fois, a tenté de tuer mon papa”. George W.Bush a l’art de désarçonner l’opinion mondiale par ses raccourcis de l’histoire. En positionnant la traque menée contre Saddam Hussein sur le terrain du souvenir familial, le Président a implicitement justifié un changement majeur de la politique américaine : désormais les Etats-Unis s’autorisent à assassiner le dirigeant d’un pays ennemi.

Car de fait depuis 1976 et un décret présidentiel de Gerald Ford, le gouvernement américain interdit à la CIA d’exécuter un chef d’Etat. Il faut dire que des tentatives ratées contre Fidel Castro à celles réussies contre Patrice Lumumba au Congo, Rafael Trujillo en République Dominicaine et Diem au Vietnam, les services américains avaient hérité une réputation finalement pire que sa nemesis, l’Union Soviétique. Bien entendu, comme s’en défendent aujourd’hui le Pentagone et la Maison-Blanche, la situation est différente. Les Etats-Unis sont en guerre et l’art du combat autorise la liquidation du chef de l’etat major ennemi. En réalité, il s’agit d’une excuse de circonstance. Sans en dire le nom, les Etats-Unis se préparent à l’assassinat de Saddam Hussein depuis quelques années déjà. D’abord parce qu’un leader irakien capturé vivant serait plus embarrassant qu’autre chose. Le procès militaire qui s’en suivrait risquant de devenir une raison supplémentaire de s’unir contre les Etats-Unis pour une partie du monde musulman. Aussi pendant près d’un an, dans le secret de la base militaire de Fort Bragg, un commando s’est entraîné intensivement à cette mission unique. Constitué d’agents de la CIA et de membres de la Delta Force, l’élite des troupes des Opérations Spéciales, le groupe a été lâché derrière les lignes ennemies avant même que le conflit débute. Approuvée par George W.Bush, la mission “OPLAN 1003 V” a engagé un match contre la montre : “Notre attente est qu’ils le tuent dans les premiers jours de guerre. Ils se sont entraînés à cela 24 heures sur 24, 7 jours sur 7”. Sous couvert d’anonymat, cet officiel du Pentagone reconnaît la nécessité d’agir rapidement afin d’éviter un enlisement du conflit qui financièrement, politiquement et humanitairement serait une véritable catastrophe pour la Maison-Blanche. Les 360 hommes de Delta Force, équipés d’armes hi-tech, n’ignorent rien de la difficulté de la tâche. Saddam, qui n’est plus apparu en public depuis deux ans, est un spécialiste de la dissimulation. Sosies modifiés par chirurgie esthétique pour encore plus lui ressembler, changement constant de lieu de résidence, cercle de fidèles restreint, Hussein échappe depuis des années aux tentatives d’assassinat. Ainsi pendant la première guerre du Golfe, il n’a pas hésité à venir passer la nuit chez des fermiers du sud du pays sélectionnés de manière aléatoire et au tout dernier moment.

Et ainsi, tout au long de l’année 2002, les missions secrètes entreprises par la CIA ont toutes échouées. “ Jusqu’à présent, l’Agence était contrainte d’utiliser une main extérieure pour appuyer sur la détente. Les consignes étaient claires : l’opposition devait abattre Saddam. Il y a six mois de cela, le premier signe d’un changement a été donné. Si désormais un agent se sentait en danger, il avait le feu vert pour liquider Hussein”. Cet ancien responsable de la Station CIA du Moyen-Orient est également à l’origine d’une autre révélation. Si les Etats-Unis tentent de se débarrasser de Saddam depuis un an, Israël tente d’en faire autant depuis 1991.

En février 1991, alors que la guerre dans le Golfe se termine, Moshe Arens, le ministre de la défense israélien est furieux contre les Américains qui “n’ont pas terminé le travail”. Aussi dès avril, les services spéciaux du pays mettent sur pied un plan ambitieux. Profitant d’une visite de Saddam dans l’Ouest de l’Irak, les Israéliens auraient infiltré un commando Sayeret Matkal pour frapper le raîs à l’aide d’un missile à courte portée. Mais l’opération n’aura jamais lieu. Alors que le groupe s’entraîne sur la base militaire de Tze’elim, un missile explose accidentellement. Cinq militaires sont tués et le projet est abandonné.

Mais en 1998, les services israéliens ont un nouveau projet. Un plan secret qui, le 20 mars 2003, sera appliqué à la lettre par les Etats-Unis. Les progrès technologiques et plus particulièrement la création du GBU-28, la bombe anti-bunker de haute-précision, pousse à croire au ministère de la défense qu’il est désormais possible d’éliminer Saddam. Au départ de l’idée, localiser Hussein : “ Si les Américains sont très bons dès qu’il s’agit de surveillance électronique et de satellite espion, ils sont faibles dès qu’il s’agit de “renseignement humain” au coeur de l’Irak. Et là, Israël a un avantage.” Persuadé, comme cet agent du Mossad, de la supériorité israélienne, les services de la défense optent donc pour la frappe d’opportunité. Mais le plan ne sera jamais mis en pratique du fait de l’opposition Jordanienne. Frapper Bagdad imposait en effet aux avions israéliens de voler au-dessus la Jordanie.

Il y a quelques jours, ne connaissant pas ce genre d’obstacle, convaincu par des informations de la CIA, George Bush a décidé, conformément au projet israélien , d’autoriser l’opération contre le complexe Dora Farm dans l’espoir d’atteindre Saddam.

Aujourd’hui, l’opération ayant échouée, l’espoir repose désormais sur la Delta Force infiltrée autour de Bagdad. Et comme on le reconnaît au Pentagone, “ cela sera difficile mais pas impossible”.

William Reymond

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