“C’est Forrest Gump qui fait de la finance...” Charles Lewis, le président du Center for Public Integrity ne mâche pas ses mots lorsqu’il évoque le bilan bushien. Et il n’est pas le seul. En août 2002, le vénérable New-York Times écrivait : “Bush ouvre la bouche et le marché s’effondre. Nous ne disons pas qu’il est responsable du crach boursier mais il faut reconnaître qu’il n’inspire pas aux investisseurs une envie folle de revenir”. The Nation, le plus ancien journal des Etats-Unis lui consacrait un article au vitriol afin de “ fêter” à sa juste valeur les “plus mauvais cent premiers jours de l’histoire du pays”. L’hebdomadaire affirmant que le “ principal accomplissement de George W - en fait le seul - avait été de démolir toute illusion trop généreuse que l’on pouvait se faire à son sujet... Les débuts de sa présidence ne sont pas seulement mauvais, ils sont ignobles”. George W. Bush, le premier président au MBA, l’équivalent de notre diplôme HEC, est-il aussi mauvais que cela ? Ou bien, comme pourrait le dire un Michael Moore, est-il encore pire ? Pour Paul Begala, ancien conseiller économique du Président Clinton, le bilan Bush rentre directement dans la deuxième catégorie. Et afin de laisser une trace écrite, cet autre Texan s’est fendu d’un petit ouvrage implacable : “It’s still the economy, stupid”. Une adresse directe au Président et son catastrophique bilan : “ Lorsqu’il a pris le pouvoir en 2001, George W. Bush a hérité de la plus puissante situation économique de l’histoire de l’Amérique. Il a hérité du plus important surplus budgétaire de notre histoire et de la perspective d’éliminer la totalité de la dette budgétaire en moins de huit ans.(...) Et pourtant, Bush a merdé.”. Concrètement cela signifie qu’au début de sa présidence il se trouvait à la tête d’un surplus de 281 milliards de dollars et qu’un an plus tard, il se retrouve avec un déficit de 165 milliards. Que dans le même temps près de deux millions d’Américains ont perdu leur emploi et que l’effondrement des marchés a coûté 4,4 trillions de dollars aux investisseurs.
En fait de nombreuses décisions économico-politiques prises par “Dubya” ne semblent pas habitées par une vision à long terme mais plutôt d’une volonté de récompenser les alliés historiques du Parti républicain en général et de la famille Bush en particulier. Son plan de réduction d’impôt, AMT, en est le meilleur exemple. Non seulement il libère les grosses sociétés de l’obligation de payer une taxe minimum mais impose le remboursement des quinze années déjà payées. Ce qui signifie que pour la première année seulement ce sont 25,4 milliards de dollars qui retournent aux entreprises dont la majorité figurent non seulement parmi les plus puissantes du pays mais aussi parmi les plus généreux contributeurs à la campagne de George W. Parmi celles-ci, on retiendra les noms d’Enron ( remboursement de 254 millions), Chevron ( 314 millions), Ford ( 2,5 milliards) ou encore General Electric (671 millions).
Au-delà de la récompense politique, s’illustrant aussi dans le choix de ses ambassadeurs où 22 de ses 27 nominations sont des généreux contributeurs sans aucune expérience diplomatique ou bien encore l’emploi à la Maison-Blanche de 52 proches ou actionnaires d’Enron, W. détonne par son habitude à prendre des mauvaises décisions, revenant allègrement sur ses promesses et faisant souvent preuve d’un manque étonnant de bon sens :
- Le 28 février 2001, Bush annonce l’arrêt du Projet Impact, un plan gouvernemental afin de mieux se préparer aux tremblements de terre. Le même jour, Seattle est secoué par un important tremblement de terre. Le projet Impact permet aux habitants de la ville de traverser l’épreuve sans victimes.
- En mars 2001, après avoir annoncé qu’il souhaitait limiter les émissions de CO2, il décide de faire marche arrière.
- Le 30 mars 2001, il supprime le programme COPS prévoyant l’embauche de dizaine de milliers de nouveaux policiers îlotiers. Six mois plus tard, après les attaques du 11 septembre, il défendra l’idée.
- Le même jour, il retire 200 millions de dollars au programme FIRE prévu pour améliorer les équipements des pompiers des Etats-Unis.
- Le 4 avril, Bush annonce l’arrêt des tests de salmonellose sur les viandes destinées aux cantines scolaires. La Maison-Blanche, satisfaisant le puissant lobby de la viande, affirme que les tests “ ne sont pas scientifiquement justifiés et risquent d’irradiés la viande”. Le lendemain, Dubya, face à la grogne des parents d’élèves revient sur sa décision.
- Le 10 avril, en catimini, Bush renonce à sa promesse de verser 100 millions par an à un fonds pour la protection de la forêt amazonienne.
- Le 12, alors qu’il visite le club Boy’s and Girl’s de Wellington, il fait part de son admiration pour la structure permettant à des jeunes défavorisés d’obtenir un soutien scolaire. Face aux caméras, il promet des aides supplémentaires. Quelques jours plus tard, de retour à Washington, il décide de supprimer 60 millions de dollars du budget national de l’organisation.
- Le 17 avril alors que son épouse, ancienne bibliothécaire, lance la campagne nationale en faveur des bibliothèques, Bush annonce que la Bibliothèque Nationale devra fonctionner avec 39 millions de dollars en moins.
- Le 25 avril alors que sa mère défend une campagne nationale de sensibilisation à la lecture enfantine, il décide de couper les aides gouvernementales à ce programme.
Mais c’est sans doute avec la journée du 5 mai 2001, que le paradoxe Bushien prend toute sa saveur. A Washington, Bush et Cheney défendent leur nouveau plan énergétique. Il s’agit d’un retour vers le tout charbon, gaz et nucléaire qui se concrétise par la volonté de créer plus de 17 000 kilomètres de pipelines gaziers à travers les Etats-Unis, la manière “ la plus propre et la plus sure d’assurer les besoins du pays”. Un “bushisme” qui obtient un sacré écho : le même jour, la ville de Platte dans le Missouri est secouée par une terrible secousse : Son pipeline vient d’exploser, entraînant pollution, évacuation et augmentation du prix du gaz.
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