Alors que la pneumonie atypique ravage l’Asie, une autre bactérie inquiète la communauté médicale. Depuis des mois, les Etats-Unis sont frappés par une forme mutante d’un SARM.Et depuis quelques semaines, la maladie vient de traverser l’océan. Enquête sur une bactérie tueuse en liberté.
“ L’infection continue à augmenter. Certains cas sont vraiment pas beaux à voir Et le pire, c’est que personne n’est capable de dire combien la menace est importante”. Mark Sanders est le directeur de la clinique Montrose à Houston, Texas. Depuis février dernier, il voit se multiplier les cas d’infection au SARM sans que grand monde ne s’inquiète. Peut-être parce qu’en soit, l’infection au Staphylociccus aureus résistant à la méthicilline ( SARM) n’est pas une maladie nouvelle. En fait, 40 % des hommes hébergent ce micro-organisme qui adore le milieu humide et moite de nos sinus. Comme tout organisme vivant, le Staphylocoque doré évolue. Et , confronté à la pénicilline des antibiotiques, la bactérie est devenue résistante, obligeant la médecine à opter pour la méthicilline, une pénicilline semi-synthétique. C’était dans les années 60. Vingt ans plus tard, la bactérie avait de nouveau mutée. Le SARM était né, devenant immédiatement un casse-tête biologique. Et surtout, une menace pour n’importe quel candidat à l’hospitalisation.
En effet, le SARM hante depuis lors les couloirs des hôpitaux, les chambres des maisons de toilette. Des que les conditions d’hygiène ne sont pas irréprochables, la bactérie s’installe, se propage et tue. En Angleterre, le “killerbug” représente au moins 20 % des décès infectieux en milieu hospitalier. Ces victimes sont d’abord les organismes fragiles comme les personnes âgées et les nourrissons. Profitant d’une plaie, le SARM colonise le patient et se propage rapidement dans le système respiratoire et sanguin. Une fois installé le SARM, bactérie multi-résistante, est difficile à déloger et devient une menace rapide pour la vie du corps porteur.Jusqu’à présent, le SARM vivait uniquement en milieu hospitalier et ne s’attaquait qu’à des organismes déjà malades. Mais voilà, le SARM vient de s’échapper et de muter une nouvelle fois. D’où la panique de Mark Sanders.
Depuis le début de l’année 2002, les centres médicaux de Houston, Los Angeles, New-York, Washington et Atlanta notent une recrudescence d’infection au SARM. Une épidémie touchant des porteurs en bonne santé, contaminé sur leurs lieux de vie et non plus lors d’une hospitalisation.
C’est d’abord la communauté gay qui a remarqué la multiplication d’infections de la peau se transformant dans certains cas en pneumonie. Mais rapidement, les biologistes ont compris qu’il ne s’agissait pas d’une nouvelle forme de SIDA : “ A Houston, poursuit Mark Sanders, nous avons des cas touchant tous les milieux, pas seulement les gays”. Et comme pour faire écho aux propos de Sanders, la petite ville de Pasadena tient une place à part dans la jeune histoire du SARM. En novembre dernier, les élevés du collège de cette bourgade texane ont été contaminé par la bactérie mutante. 50 adolescents se sont retrouvés atteint de fièvres violentes et d'infections de la peau extrêmement douloureuse. La plupart jouaient dans l’équipe de football ou étaient membres du club de danse. Démontrant ainsi froidement, l’aspect le plus terrifiant du SARM : il se transmet par simple contact. Pas de rapports sexuels, pas d’échanges de salive, pas de seringues ou de plaies ouvertes. Non, la nouvelle forme de SARM se transmet par une simple poignée de main.
Et à mesure que la bactérie avance, les preuves de son passage se multiplient. En Californie, ce sont 928 prisonniers d’un même établissent qui se sont retrouvés contaminés, obligeant l’hospitalisation en soins intensifs de cinquante d’entre eux. A Boulder, sans que l’on comprenne pourquoi, ce sont des dizaines de familles qui sont atteintes. A Yakima, dans l’Etat de Washington, c’est la totalité d’une tribu indienne qui s’est retrouvée colonisée par le SARM. Une soudaine épidémie obligeant le Center for Disease Control andt Prévention (CDC) à Atlanta de mettre sur pied une cellule d’urgence. Si le travail du CDC n’ est pas remis en cause, sa réponse face à la prolifération du SARM est resté en travers la gorge de certains responsables de la Santé Publique : “ Il est impossible de connaître le nombre exact de cas et encore moins celui de victimes., s’emporte ainsi Diana Portnoi du Health Department de San Francisco. Jusqu’à présent le SARM n’est pas considéré comme une maladie à part”. Embarrassé, le CDC vient de reconnaître le risque : “ Le SARM n’est désormais plus limité au milieu hospitalier. Il vient d’apparaître sur notre territoire et il est en train de s’étendre”. Si le CDC a attendu le début du mois d’avril pour informer l’opinion de la progression de la bactérie tueuse, c’est que l’organisme craint un mouvement de panique.D’abord, parce que cette nouvelle forme de SARM peut-être fatale.En septembre et octobre dernier, le SARM a tué au moins quatre mères de famille dans le Sud des Etats-Unis.
Ensuite parce que, comme la disparité des milliers de cas de ces derniers mois le prouvent, elle touche tous les âges et tous les milieux. Sans que le CDC ni personne ne comprenne le fonctionnement de la mutation et l’origine de cette nouvelle souche. Ainsi, sous couvert d’anonymat, un des chercheurs de centre d’Atlanta, rencontré pendant notre enquête, révèle qu “il existe un réservoir pour cette nouvelle souche quelque part aux Etats-Unis. Mais nous ne l’avons pas encore trouvé et la recherche risque de durer longtemps”.
Enfin, parce que facilité par un mode de contagion volatile, le SARM voyage. Les milieux médicaux de Toronto et Montreal sont également depuis peu confronté à des cas d’infection à la bactérie. A chaque fois, les symptômes sont les même. Le “porteur” se retrouve avec une liaison sur la peau, très souvent un bouton ressemblant à une piqûre d’insecte. En quelques jours, la plaie devient purulente et la douleur s’intensifie. Le malade peut être pris de crises de fièvre violente et parfois de vomissement. Dans les cas les plus extrême, le SARM envahie l’appareil respiratoire supérieur pour ensuite descendre dans les poumons. Dans un même temps, la bactérie colonise le système sanguin, engageant le pronostic vital.
Le Canada n’est pas le seul pays que le SARM tente de conquérir. Depuis un mois, le milieu médical sait que le “superbug” vient d’arriver en Europe.
Wim Wannet, le président de l’Institut National de la Santé Publique et de l’Environnement des Pays-Bas vient d’informer les Américains de la présence sur son territoire de la nouvelle souche mutante du SARM. En février dernier, les services de Wannet, auraient identifié deux porteurs parmi la communauté gay hollandaise.
En Ecosse, Giles Edwards, le directeur d’un laboratoire de recherche affirme que le SARM est également présent en Grande-Bretagne et pronostique son arrivée prochaine en France : “Cela ne fait aucun doute, la bactérie est en train de traverser l’océan, elle va s’installer en Europe et exploser.”
Les autorités britanniques tentent pour l’instant de minorer la menace. Ainsi, Tyronne Pitt, un des directeurs du Laboraty of Healthcare Associated Infections se veut rassurant : “ C’est extrêmement compliqué de prévoir son impact. Si le SARM se manifeste seulement par une infection de la peau, la vie du patient n’est pas danger. Si par contre, le SARM se transforme en pneumonie chez des personnes en bonne santé, là nous avons une toute autre histoire”.
Un scénario catastrophe que certains chercheurs anticipent déjà . Car, si aujourd’hui, la SARM ne tue pas systématiquement, Giles Edwards, comme d’autre, est inquiet de ses futures mutations : “elle va devenir de plus en plus résistante. Et, un jour, elle pourra résisterà tout traitement. Ce n’est pas de la science-fiction. Cela va arriver. Cela ne fait pas l’ombre d’un doute”.
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