En se suicidant à 27 ans, Kurt Cobain, le chanteur de Nirvana, aurait du rejoindre la catégorie des stars consumées par trop de gloire, trop de pression et trop de drogue. Mais voilà, comme si l’idée de mettre fin à sa vie est improbable lorsque l’on est jeune, riche et célèbre, la disparition de Cobain ne passe pas. Depuis 1994, les rumeurs de meurtre sont populaires, persistantes et, il faut l’avouer, troublantes.L’occasion parfaite pour VSD de se lancer dans la contre-enquête et de tenter, documents à l’appui, d’en terminer avec le mystère Cobain.
Il aura fallu vingt ans à Kurt Cobain pour trouver le remède définitif et radical à son malaise de gosse. Cobain, fils d’un mécanicien et d’une serveuse, a tout juste sept ans lorsque ses parents divorcent. Le choc est rude. Le gamin se sent trahi, se fait remarquer dans la cour de récréation et est mis immédiatement sous traitement chimique. Un médicament à base de morphine pour mieux se concentrer, un sédatif pour dormir. Un régime qui non seulement va créer une addiction durable aux suppléments divers mais également engendrer des maux de ventre fréquent. Que plus tard, à l’écouter, seule l’héroïne semblera pouvoir soulager. Après l’enfance, l’adolescence. L’austère petite ville d’Aberdeen, à 100 kilomètres de Seattle, à proximité de la frontière canadienne, n’est pas forcément le lieu idéal pour grandir différemment. Cobain y est catalogué au mieux comme associal, au pire comme homosexuel. Solitaire, le jeune Kurt découvre la musique. Ce sont d’abord les Beatles puis Led Zeppelin, Kiss, Sex Pistols et Clash. Autant d’influences que l’on retrouvera plus tard, lorsque Cobain sera sacré par la presse empereur d’un nouveau genre : le grunge.
Si Nirvana voit le jour en 1987, il faut attendre 1991 pour que Cobain devient l’icône d’une jeunesse américaine en manque de repères. Nevermind, album au son brut et à l’urgence dévastatrice trouvera dix millions d’acquéreurs. Poussé par le single “Smells like Teen Spirit”, le disque détrône même Michael Jackson de la tête des classements. Cobain vit mal le succès. Le caractère intimiste de son art se conjugue guère avec le gigantisme des stades où le groupe se produit. Et les obligations médiatiques sont autant de moments difficiles pour la personnalité introvertie de Cobain. La consommation importante d’héroïne rajoute à sa paranoïa et le coupe encore un peu plus du monde extérieur. A mots couverts, son entourage évoque les tendances suicidaires de la star. En 1992, Cobain épouse Courtney Love, une ancienne strip-teaseuse devenue chanteuse au sein du groupe Hole. Le couple s’aime, se déchire et se pique ensemble. Quelques mois plus tard à Rome, Cobain fait sa première overdose. Love parle “d’accident”, il s’agit en fait, comme on l’apprendra plus tard, d’une tentative de suicide . Un thème omniprésent dans l’esprit du chanteur. Ainsi le titre de travail de son nouvel album est “ I hate myself and i want to die”( Je me déteste et je veux mourir).
Le 29 mars 1994, Nirvana se produit en concert pour la dernière fois de sa courte histoire. Le public de Munich ignore que Cobain, convaincu par son producteur, les membres du groupe et sa femme, a enfin accepté dès le lendemain de rejoindre un centre de désintoxication de Californie. L’idée est de remettre le chanteur sur pied avant le début d’une tournée d’été, avec à la clé un contrat de près de dix millions de dollars. Mais la vie à l’Exodus est difficileet l’absence d’héroïne trop pénible à supporter. Cobain s’enfuit et se réfugie dans le secret dans sa villa de Lake Washington. Le 8 avril, au matin, un électricien venant effectuer des travaux de maintenance, découvre son corps sans vie. Trois jours plus tôt, Kurt Cobain s’était tiré une balle dans la bouche.
La police de Seattle s’empare immédiatement de l’affaire et les conclusions des enquêteurs ne laissent planer aucun doute : “Il y a une grande flaque de sang séché à gauche de victime et une blessure ouverte au crâne. Il y a un fusil Remington M-11 du calibre 20 entre les pieds de la victime. La bouche du fusil est dirigée vers la tête de la victime, dont la main tient le canon.” A proximité du cadavre, une note écrite à l’encre rouge. Cobain évoque le divorce de ses parents, le fossé grandissant entre ses aspirations personnelles et son image publique. Le mot se termine par trois lignes pour Courtney et leur fille Frances. Plus tard, l’analyse pathologique déterminera qu’en plus du coup fatal, Cobain s’était injecté une dose massive d’héroïne.
Comme d’autres avant lui, Kurt Cobain n’a pas résister à la gloire. L’histoire est triste, prévisible et simple à la fois. Pourtant elle est le point de départ d’une formidable rumeur : et si Kurt Cobain avait été assassiné ?
Un homme est à son origine. Il s’agit de Tom Grant, un ancien détective du Sheriff’s Departement de Los Angeles, devenu détective privé. Le 3 avril 1994, cinq jours avant la découverte du corps de Cobain, il est engagé par Courtney Love. La chanteuse sans nouvelle de son mari depuis sa fuite de l’Exodus demande à Grant de le retrouver.
Après le 8 avril, le privé ne cache pas son intime conviction : il ne s’agit pas d’un suicide mais d’un meurtre. Plus précisément encore, Grant est convaincu que Courtney Love a commandité le crime. Parmi les prétendues motivations de la chanteuse, le privé révèle la peur d’un divorce, un contrat de mariage qui ne lui laisse rien et une volonté de Cobain d’exclure sa femme de sa succession.
Pour soutenir ses accusations, le détective met en avant un certain nombres de faits troublants. D’abord, dit-il, la note retrouvée près du cadavre n’est pas une lettre d’adieu à la vie mais à la scène. Mieux, selon Grant, les quelques lignes adressées à Love et Frances ne sont pas de la même écriture que le reste de la note. A le croire, une des pièces à conviction majeure de l’affaire serait truquée. Une hypothèse qui ne tient pas l’examen du dossier. D’abord, sur l’incohérence du texte de la lettre, Grant semble totalement faire impasse sur la personnalité de Cobain. Héroïnomane dépressif, artiste décalé, Cobain s’est fait une spécialité des phrases alambiquées. Par le passé, il s’est d’ailleurs amusé des tentatives de décryptages des textes de ses chansons. Ensuite sur l’écriture. La police de Seattle a effectué trois analyses graphologiques. Le groupe d’expert est arrivé à des conclusions semblables : Kurt Cobain est bel et bien l’unique auteur de la note.
Autre rumeur, largement diffusée par internet et dans un documentaire prétendument d’investigation sur l’affaire : l’absence d’empreintes digitales sur l’arme du crime. Effectivement, le laboratoire de la police de Seattle n’a jamais relevé d’empreintes de Cobain sur le fusil Remington retrouvé près du chanteur. Pour la bonne raison que la recherche n’a pas été effectué ! La position du corps, sa rigidité cadavérique, les marques sur ses mains ne laissant aucune place au doute, les médecins légistes, en accord avec la procédure, n’ont pas jugé nécessaire de pousser la recherche plus loin.
Mais le point le plus troublant de la thèse Grant est le témoignage de Rosemary Carrol. Avocate et amie de Courtney Love, elle aurait à plusieurs reprises confié au détective, non seulement l’étendue des problèmes du couple Cobain mais également son intime conviction de l’implication de Love dans le crime. Grant, qui a la mauvaise habitude de livrer des accusations sans jamais identifier ses sources, semble détenir une carte maîtresse. Sauf qu’aucune trace des ces conversations n’existe. Et que Rosemary Carrol non seulement les nie mais à menacé le privé de procès s’il continuait à promouvoir cette thèse.
Une visite dans les archives de la police de Seattle aurait peut-être permis au détective d’éviter de déclencher une rumeur qui aujourd’hui le dépasse. Ses détracteurs répliquent que cela ne l’aurait pas empêcher d’essayer de capitaliser sur l’affaire. Sans tirer de conclusions sur les motivations de Grant, il faut revenir sur l’année 1994.
Les dossiers du SPD dévoilent ainsi que Kurt Cobain est connu de ses services bien avant le 8 avril. En fait, les interventions ont été nombreuses dans les mois qui ont précédé la mort du chanteur. Toutes tournent autour du suicide, d’armes à feu et d’ héroïne. Ainsi, une fois, Cobain, sous l’emprise de la drogue, s’est enfermé, armé, dans une des pièces de la villa. La police confisquera quatre pistolets, craignant que le chanteur les utilise afin de mettre fin à ses jours. Autre motif d’intervention, une overdose “accidentelle”, une manière pudique lorsqu’on est face à une personnalité publique d’évoquer une tentative de suicide. Et à chaque fois, pour la dédouaner définitivement de tout soupçon, Courtney Love est à l’origine de l’arrivée des forces de l’ordre. Celle que l’on a accusé d’avoir organisé le meurtre de son mari, a ainsi en réalité, et à plusieurs reprises, retardé la tragique échéance.
Kurt Cobain s’est donc suicidé le 5 avril 1994. En fait, la seule part de mystère concerne les motivations du chanteur. L’absence d’explications à son geste, même si certaines paraissent évidentes, est un tragique clin d’oeil à son passé. Avant Nirvana, Courtney Love et le succès, Cobain avait inscrit son leitmotiv sur les murs de sa chambre : “Personne ne connaîtra jamais mes intentions”. Dont acte.