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La face cachée du mythe Brando

“Certes, Marlon Brando était un très grand acteur. Le plus grand peut-être...” Peter Manso marque une pause conscient que ce qu’il va dire est peut -être déplacé alors que du président Bush à l’ensemble de la “profession”, tout le monde rang hommage au génie de l’acteur tout juste décédé.
 
“ Mais, reprend-il, humainement, Marlon ne valait pas grand chose”.
Et Peter Manso sait de quoi il parle. Il a passé près de dix ans à étudier le personnage, à retrouver ses amis de jeunesse, ses contacts professionnels, ses amants et ses maîtresses. Pour son livre, paru aux États-Unis, en 1994, il a même eu le privilège de parler avec Marlon.
 
Un honneur que Patricia Bosworth a cru connaître pendant quelques minutes. En 1999, L’Américaine prépare une autre biographie de Marlon Brando. Déjà auteur d’un ouvrage brillant sur Montgomery Cliff, elle a une véritable légitimité à retracer le parcours d’un des plus grands acteurs de l’histoire du cinéma. Comme lui, Bosworth a été membre de l’Actors Studio, la légendaire école d’apprentissage de l’art de la comédie. Armée de son passé, elle décide de tenter l’impossible : rencontrer Marlon afin d’obtenir quelques confidences. Pendant des mois, Bosworth tente tout. Des avocats aux amis en passant par les voisins de la star qui vit désormais en reclus. Mais toutes ses demandes restent sans réponse. Jusqu’au jour où un proche de l’acteur recommande à l’écrivain d’envoyer un fax au chien de Brando. Une idée qui viendrait de la star elle-même.
 
Dans un moment de grande humilité, déterminée et connaissant l'excentricité de l’acteur, Patricia Bosworth prend alors sa plus belle plume et s’exécute demandant à l’animal d’essayer de convaincre son maître. Dix minutes plus tard, brisant des mois de silence, Bosworth reçoit un fax en retour. Faux espoir. C’était le chien de Brando refusant pour son maître.
 
Tel était Brando, l’homme des paradoxes. Comédien immense mais professionnel détesté par ses pairs. Sex-symbol absolu dans les années 1950 puis obèse paranoïaque pendant près de trente ans.
 
Marlon Brando était tout cela et c’est d’ailleurs cette multiplicité qui lui assure sa place dans le panthéon artistique. Mais reste à savoir ce que justement l’histoire retiendra de lui. Et là Peter Manso est pessimiste : “ Les Français sont les seuls à pouvoir faire la différence entre d’un côté le génie artistique et de l’autre une personnalité détestable. Les Américains en sont incapables. Ils retiendront donc les deux dernières décennies. Les cheeseburgers à la douzaine, l’ami de Michael Jackson, les seize enfants plus ou moins légitimes, les procès, le baiser sur la bouche de Larry King sur CNN, ses attaques contre les Juifs... Au mieux, ils parleront d’excentricité. Au pire de folie”.
Un sentiment qui risque encore de s’accentuer alors que les prochaines semaines va sortir un autre ouvrage très critique sur la star. Parmi les révélations de Patricia Ruiz, celle décrivant un Brandon endetté à hauteur de 20 millions de dollars et vivant dans la misère d’un bungalow de Los Angeles.
 
Si Peter Manso reconnaît que depuis les années 1970, l’acteur brûlait au moins un million de dollars par an rien qu’en frais légaux et pensions diverses, il ne croit pas un instant à la ruine du comédien.
“ C’est vrai Marlon avait fait la bêtise de revendre son pourcentage du Parrain pour à peine 100 000 dollars en cash, mais sinon, il savait protéger son argent”.
 
Ainsi, sa villa de Mulholland Drive, voisine de celle de son ami Jack Nicholson, est estimée à au moins vingt millions de dollars. Il y a encore, son atoll tahitien. Constitué de treize îles, Tetiaroa à une valeur minimale de deux cents millions de dollars.
“ Et puis, il y a tout le reste, poursuit Manso. La Grèce, l’Italie, la France.Toutes ses priorités que le comédien paranoïaque avait acquis par l'intermédiaire de sociétés ou sous de faux nom. Cela promet pour son héritage.”
 
Et effectivement, la bagarre pour le patrimoine du comédien promet d’être rude. Si tendu que l’avocat de Brando, craignant un raid de certains proches sur les objets personnels du comédien a fait posté un garde à l’entrée de la villa de l’acteur avant même que la nouvelle de son décès soit officialisée.
 
Interrogé par les médias américains, un avocat spécialisé dans les divorces de stars pronostique une lutte sans merci entre les représentants des trois épouses légales, des compagnes de sa fin de vie et des seize enfants.
 
“Et puis, ajoute Peter Manso, il est fort possible que Brando est prévu le moindre détail de sa succession par écrit, comme il l’a fait pour sa cérémonie funéraire. Et puis connaissant Marlon, ce n’est pas un testament qu’il a du laisser mais au moins cinq différents”.
 
Une situation confuse qui devrait multiplier le nombre de candidats aux révélations sordides. Et sans cela, Brando a crée autant de haine autour de lui que le travail de ses biographes a été relativement aisé lorsqu’il s’agissait de creuser du côté de la face cachée de l’acteur.
“ Marlon refusait de répéter et n’apprenait pas ses textes raconte ainsi Peter Manso. La plupart de ses silences, son regard vers le vide ne sont pas comme certains le pensent, les preuves de son génie artistique. C’est tout simplement parce qu’il faisait coller hors champ ses lignes de dialogue qu’il ne connaissait pas.”
 
Le légendaire comportement de la star, responsable pour certains du dépassement de budget de nombreuses productions, ne doit pas faire oublier les millions de dollars que l’industrie cinématographique était prête à lui verser pour une apparition. Il y a bien entendu les quatre millions de dollars pour un rôle de dix minutes dans Superman mais aussi les cinq millions pour une brève pige dans Christophe Colomb et les sommes encore plus importantes pour faire de la publicité au Japon. Il y a deux ans encore, la production de Scary Movie 2 lui avait offert deux millions de dollars pour quatre jours de travail. Brando devait interpréter une scène parodique de l’Exorciste. Mais, atteint d’une pneumonie, il n’avait pas pu finir le tournage.
 
“Marlon était très clair avec son métier, raconte Patricia Bosworth. Non seulement, il ne l’aimait pas mais ne le trouvait pas très... masculin. Et de fait avait déclaré que sa seule motivation à faire l’acteur était d’être très grassement payé”.
En 1994, son passage sur CNN, dans l’émission de Larry King avait été l’occasion pour l’acteur d’assimiler son travail à celui d’une prostituée, affirmant que les stars n’étaient pas des artistes et que jouer était la seule chose à faire qui rapporte lorsque l’on ne savait pas que faire de sa vie. Brando avait également profité de sa rare apparition pour s’attaquer à la communauté juive d’Hollywood avant de présenter des excuses quelques semaines plus tard.
 
Pour ses biographes, le rapport de Brando à son art est également sa plus belle ambiguïté. Une ambivalence qui continuait à le poursuivre alors que sa carrière d’acteur était terminé. Ainsi, il y a deux ans, Brando s’était lancé dans un projet secret et inachevé. Il avait décidé de donner des cours d’improvisation à une salle d’apprentis acteurs. Brando souhaitait faire filmer l’intégrale de la leçon, d’en produire un DVD et ensuite de le mettre en vente sur internet. Pour l’occasion, Marlon avait même demandé à ses quelques amis de la profession de venir l’épauler. Nick Nolte, Jon Voight, Sean Penn et Leonardo Di Caprio avaient répondu à l’appel et participé brièvement à une première session. Brando était habillé en femme, portait une fausse poitrine, des bottes en caoutchouc et était flanqué d’un sosie d’Oussama Ben Laden. L’expérience qui devait se poursuivre le lendemain fut annulée au petit matin. Le Maître s’était semble-t-il ennuyé. Et avait décidé de garder le contenu de la vidéo pour lui. Seul son titre avait filtré et il était du Brando tout craché : “Être acteur : Mentir pour gagner sa vie”.

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