Après Jean Gabin, en 1973, c'est au tour de Michel Serrault d'interpréter le patriarche. Un Serrault égal à lui-même, tant à l'écran que dans la vie. «Je n'ai pas encore vu le film en entier», lance-t-il aux journalistes venus l'interviewer. «Je dois toujours regarder la deuxième partie. Je la verrai à la télévision.» Le regard malicieux, tournant les questions qu'on lui pose en dérision, il n'est pas franchement le genre d'acteur facile à cerner. Quand est-il sérieux? Quand cesse-t-il de plaisanter? Il cherche visiblement constamment à déstabiliser ses interlocuteurs, comme s'il voulait se protéger. Mais lorsqu'il laisse enfin tomber le masque et qu'il parle avec son coeur et ses tripes, on se sent soudainement envahi par une bouffée d'émotion tant il est sincère.
Pour vous, c'était important que le téléfilm défende l'idée que Gaston Dominici était innocent?
«Je n'ai accepté ce rôle que si je pouvais le jouer non coupable. Je sais suffisamment de choses sur Gaston Dominici pour prendre cet axe. Cette affaire me fait penser au vers de Jean de la Fontaine, Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. C'est ça qui s'est passé. Pour moi, tant qu'on ne me prouvera pas le contraire, il est innocent. Qu'il ait été fourbe ou roublard, ça c'est possible. On a tous des défauts. Mais coupable, non! Ce type, je l'aime. Durant le tournage des scènes de procès, c'est une des rares fois de ma carrière où j'ai pleuré. Le métier d'acteur doit être fait avec beaucoup d'humanité. On ne peut pas se détacher des personnages qu'on joue.»
Vous n'avez pas peur qu'on vous reproche de défendre Dominici? Vous avez déjà été agressé en rue...
«Un type m'a attaqué, en me prenant le veston et en me disant que je n'avais pas le droit de faire de cette ordure un innocent. Là, je lui ai dit Basta, c'est moi qui commande ! Comme si les acteurs n'avaient pas le droit de dire ce qu'ils pensent. Moi, quand je joue la comédie, je veux que ça corresponde à ma pensée. Mais les gens ne comprennent pas grand-chose. Quand j'ai interprété le docteur Petiot, des journalistes m'ont reproché de l'avoir rendu sympathique. J'ai répondu que s'il n'avait pas été sympathique, vous pensez qu'on aurait fait la queue à son cabinet? Petiot était un malade, un monstre, mais il avait du charme!»
Michel Blanc, qui interprète le commissaire, affirme lui qu'il a joué la carte de la culpabilité de Dominici.
«Mais c'est parce qu'il a été fidèle à l'histoire officielle. Il a défendu le personnage historique du commissaire Sébeille. Son personnage. Mais ce n'est pas une option personnelle. Et il est magnifique dans ce rôle. Vous savez, on ne joue pas la comédie tout seul. Sinon, ça donne des prestations de cabotins sans intérêt. Les acteurs qui jouent seuls sont des cons. Et il y en a beaucoup!»
Avez-vous vu le film avec Gabin?
«Non. Pourquoi voulez-vous que je le regarde? Je ne veux pas être influencé, ça ne m'intéresse pas. Et puis, à l'époque du premier film, on n'avait pas les mêmes informations qu'aujourd'hui. Le point de départ de notre téléfilm est bien plus complet.»
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