Le silence de la presse et l’horreur alimentaire
Le 25 février dernier, Le Journal du Dimanche m’ouvrait ses colonnes dans le cadre de la rubrique Franc-Parler. Il s’agit pour l’instant du seul article de presse écrite consacré à Toxic.
Cette absence n’est en rien le fruit du hasard. Ni l’illustration d’une obsession monomaniaque de l’écrit pour la campagne présidentielle. Non, la vérité est beaucoup plus simple : l’industrie agro-alimentaire est un des premiers annonceurs publicitaires du pays. Et, à défaut de lecteurs, la presse écrite a un besoin vital de l’argent de la pub.
Et il ne s’agit ni de paranoïa ni d’aigreur. J’ai assisté à deux coups de téléphones de journalistes confus, expliquant que la régie pub de leur magazine ne souhaitait pas que l’on parle du livre. Un ami de confiance, suffisamment bien placé pour être au fait de ce genre de décisions m’a également fait part des même…obligations.
Rien de neuf à tout cela. L’indépendance et la liberté de la presse ne sont que des illusions. Et c’est pour cela que je préfère écrire des livres. Et maintenant, utiliser internet afin de communiquer sans filtre.
Mais revenons au JDD qui non seulement a décidé de publier mon texte mais qui de plus n’a demandé aucune modification me laissant libre de mes propos.
J’ai décidé aujourd’hui de partager ce texte avec vous dans sa version intégrale .
Bonne lecture …
“L’obésité augmente beaucoup plus vite depuis 1992 chez les agriculteurs ou les ouvriers que chez les cadres et les professions intellectuelles supérieures. Ainsi moins un individu est diplômé, plus il a de chances d’être obèse.”
L’étude publiée ces derniers jours par l’Institut national de la Statistique et des études économiques (INSEE) confirme que la France suit une évolution semblable au reste de la planète. En effet, la crise mondiale d’obésité est un terrible facteur d’inégalités. Créant de fait, un régime de ségrégation, elle touche d’abord les plus pauvres d’entre nous.
L’ampleur du tour de taille est proportionnellement inversée à celle du porte-monnaie. Une notion confirmant le rôle déterminant joué par notre pouvoir d’achat sur notre bonne santé. Car les conclusions de l’INSEE ne veulent rien dire d’autre que cela : privés de l’accès à une alimentation plus saine, les ménages français les moins aisés souffrent plus de l’obésité. Et l’obésité n’est que la face visible d’un terrible iceberg sanitaire. La crise s’accompagne de l’augmentation des maladies cardio-vasculaires, des cas de diabètes frappant de plus en plus jeune et même de certains cancers.
Au delà de la confirmation de cette inégalité, le rapport de l’INSEE, sans en saisir totalement la portée, remarque également “que de plus en plus de personnes suivent un régime amaigrissant”. C’est ce paradoxe qui est à l’origine de mon enquête et des travaux de dizaines de scientifiques que j’ai pu rencontrer. Le point de départ est simple : les deux préceptes plein de sens du “mangez moins-bougez plus” sont insuffisants à expliquer l’ampleur, la fulgurance et la continuité de la crise mondiale d’obésité.
Et que de fait, il est devenu nécessaire de se pencher sur le contenu de nos assiettes.
Ces trente dernières années, poussée par une impressionnante révolution technologique, notre alimentation a radicalement changée. Devenue essentiellement industrielle, elle porte en elle les germes de nos maux.
Au delà de la remise en cause de certains produits et mode de consommation, c’est sur certains ingrédients que l’attention de nos autorités de régulation doivent désormais se pencher. Ainsi, certains conservateurs ont des actions prouvées sur notre ADN. D’autres pesticides sont cancérigènes.
Mais l’exemple le plus dérangeant, peut-être parce qu’il frappe d’abord nos enfants, est celui de l’acide gras trans. Cette huile, partiellement hydrogénée, est utilisée massivement dans la préparation des viennoiseries, des barres chocolatées, de certaines céréales et à la cuisson des frites de la restauration rapide. Depuis quinze ans, plus personne n’ignore les effets dévastateurs de ce produit bon marché sur notre santé. Il est d’ailleurs interdit au Danemark et, depuis le 1 janvier dernier, à New York. L’explication est sans appel : la consommation d’acide gras trans est responsable de 100 000 décès par an aux États-Unis. En France, le produit est toujours autorisé. Pourtant comme le remarquait l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), une partie de la jeunesse française en consomme désormais autant que les jeunes Américains.
Si manger doit redevenir un acte de démocratie directe, un réveil citoyen n’est malheureusement pas suffisant pour éviter les pièges de notre assiette. Il faut ainsi, en pleine campagne présidentielle, que notre environnement alimentaire devienne une cause nationale.
Le plus vite sera le mieux.