Le Matin - 04 février 2006 -
   
� Sale coup pour la légende de Coca-Cola �
 
ATLANTA William Reymond, auteur de «Coca-Cola, l'enquête interdite», raconte comment la multinationale occulte son passé. La boisson était alcoolisée et contenait de la cocaïne. Pire, la multinationale a persévéré, selon l'auteur, à conserver le marché allemand à l'époque nazie.
Le Matin Online
SERGE BRESSAN
04 février 2006
D'entrée, il annonce: «Enquêter sur Coca-Cola, c'est autrement plus difficile que de travailler sur la mort de John F. Kennedy ou sur la présidence de George W. Bush...» Il sait de quoi il parle: journaliste français basé aux Etats-Unis, William Reymond publie ces jours-ci «Coca-Cola, l'enquête interdite».

Adolescent, il s'est nourri de légendes et de rêves américains en buvant du Coca-Cola; il en est même arrivé, avec son père, à monter une collection sur tout ce qui a rapport à la boisson américaine en France. Mais, journaliste d'investigation réputé, il s'interroge: avec un outil très puissant, un budget de communication annuel de 5,2 milliards de francs, Coca-Cola a installé une légende officielle. «Soudain, j'ai douté. N'était-ce pas trop beau pour être totalement vrai?» Il lance alors l'enquête, contacte la compagnie à Atlanta, qui lui répond: «Envoyez-nous votre manuscrit et nous verrons si nous pouvons vous ouvrir nos archives...» Commentaire de l'auteur: «C'est une forme déguisée de censure!» raconte-t-il en rentrant d'Atlanta, au centre du sud des Etats-Unis, une ville dont le coeur bat au rythme de Coca-Cola depuis la fin du XIXe siècle.

Dans votre livre, vous rappelez que, dès le début, la légende est basée sur un mensonge...
En effet, alors qu'on nous a toujours dit que la boisson avait été baptisée Coca-Cola parce que c'était poétique, on a caché qu'elle a été inspirée par la composition d'un vin corse - le vin Mariani -, qu'elle était alcoolisée et qu'elle contenait de la cocaïne... Dès ses débuts, Coca-Cola s'est imposé sur une fausse légende.

«Coca-Cola, l'enquête interdite» révèle aussi le rôle de la compagnie d'Atlanta pendant la Seconde Guerre mondiale...
C'est sûrement le point fort de mon livre. Des révélations que j'ai découvertes à l'Université Emory d'Atlanta. Dans les papiers personnels de Robert Wood-ruff - président de la compagnie dès 1923 et pendant plus de soixante ans -, je trouve des mémos sur les années 1939, 1940 et 1941. Très clairement, il y est dit que Coca-Cola soutient l'effort de guerre des Etats-Unis... ce qui lui évite de payer des impôts! Et puis je tombe sur une série de documents sur le problème allemand. En 1939, avec 100 millions de bouteilles vendues, l'Allemagne est le deuxième marché de la marque. Woodruff est catégorique: il faut contrer le blocus anglais et continuer de vendre Coca-Cola aux Allemands. Le sirop part du port roumain de Constanza, transite par la Suisse pour arriver finalement en Allemagne. La Suisse devient alors une boîte aux lettres pour Coca-Cola. Autre découverte: la société d'Atlanta a fait travailler, pendant la période de la guerre, des travailleurs forcés. On est bien loin de la légende de la boisson amenée en Europe par les soldats américains de la Libération...

Qu'en est-il du secret de la formule du Coca-Cola?
On nous dit encore et toujours qu'elle est enfermée dans un coffre de la banque Sun Trust, à Atlanta. C'est le fameux code 7X... Peut-être, mais c'est un secret de polichinelle. Cette formule, on la trouve dans de nombreux ouvrages, et même sur Internet. Mais il faut entretenir la légende. L'image. Parce que, au-delà d'une boisson, on nous vend un univers.

Au retour d'une visite à Atlanta, des dirigeants d'Orangina racontaient s'être cru dans une secte...
Le mot est un peu fort. N'empêche! Chez Coca-Cola, il existe une vraie culture du secret. Et, pour ses employés, la compagnie est une religion: j'en connais qui quittent un restaurant si on n'y sert pas du Coca-Cola!

Aujourd'hui, Coca-Cola est présent dans 200 pays, et 7000 bouteilles sont bues chaque seconde à travers le monde... De quoi sera fait l'avenir de la société d'Atlanta?
La firme est reconnue immédiatement par 94% de la population mondiale. A Atlanta, on s'interroge sur la manière de conquérir les 6% manquants. Et, bien plus que la bagarre avec Pepsi ou Virgin, c'est un autre grand défi que s'est lancé Coca-Cola en se positionnant sur un nouveau marché gigantesque, celui des liquides. A présent, la compagnie d'Atlanta ne représente que 2% de ce marché; autant dire qu'il reste une marge de progression extraordinaire. Et que, à terme, Coca-Cola veut devenir la première boisson, avant l'eau. Etre la boisson essentielle. Ce qui posera inévitablement des problèmes de santé mondiale. Déjà, dans certains Etats d'Amérique du Nord, on boit davantage de Coca-Cola que d'eau!

A lire: «Coca-Cola, l'enquête interdite», de William Reymond. Flammarion, 432 pages

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